Dispersion du motif léopard est un projet de recherche sur la circulation du motif léopard dans le vêtement et les représentations occidentales. Mené sous la direction de Patricia Falguières et soutenu à l’EHESS en juin 2018, il prend la forme d’un mémoire de recherche et est actuellement en cours d’évolution vers une publication.
Disséminé sur les vêtements des passants, décliné à la surface d’une multitude d’accessoires, le motif léopard hante notre univers visuel quotidien mais reste, en dépit de son aspect tapageur, camouflé dans l’ordinaire. Vu sans être vraiment considéré, il est aujourd’hui communément associé à une féminité bestiale et teintée d’exotisme. C’est le désir de porter attention à un objet à priori futile car superficiel, féminin et vulgaire qui est le point de départ de cette recherche.
Le motif léopard est une représentation de la peau animale qui voyage et se multiplie hors de son lieu naturel. Hors de la peau animale — premier exil — mais également loin des espaces géographiques habités par le fauve. Le devenir image des taches du léopard, leur prolifération en tant que motif, est en effet étroitement lié à la manière dont la culture occidentale se représente la nature et l’ailleurs.
Le motif tacheté hante l’imaginaire occidental et est associé à différents types de corps. Il s’inscrit dans une imagerie figurative hétéroclite et costume divers personnages, réels ou fictifs. Particulièrement associé au féminin — première altérité —, il pose la question de la naturalisation du corps des femmes, mais ne cesse de circuler entre les genres. Le léopard est en effet un accessoire ambigu qui participe à inscrire des corps dans un ou plusieurs imaginaires, à fabriquer des personnages ou des figures types. Ces figures témoignent de ce qui est, à un moment donné, problématique dans la définition d’un corps spécifique ou générique par rapport à l’idée de nature, d’altérité et de bestialité.
Ainsi, le motif léopard flirte avec différents imaginaires et les agrège par frictions, superpositions et rapprochements illégitimes. Cette image impure, ambiguë et hétérogène surgit à l’endroit des grands partages — entre nature et culture, féminin et masculin, ici et ailleurs, identité et altérité —, elle nous porte ainsi à considérer ces frontières proprement dessinées comme de troubles lisières, peuplées de corps chimériques, où se se côtoient et se fabriquent différents imaginaires.
Profondément ambivalent, jamais authentique ou utilitaire, le motif léopard est difficile à appréhender car il est toujours secondaire. Il apparaît comme point de détail au cœur d’images hétéroclites — issues de contextes et d’époques diverses — et de sources textuelles éparses. Ma recherche n’a pas vocation à être exhaustive ou à retracer une chronologie linéaire, elle ne considère pas le motif léopard comme un sujet de recherche distancié mais comme un opérateur visuel et théorique, un outil d’investigation.
Les taches du motif léopard se ressemblent mais ne sont pas identiques, elles permettent de penser une surface unie dans la diversité. Suivre le motif léopard, c’est mettre en œuvre une méthode fidèle à la forme bigarrée de l’objet.
Les parties de cette étude fragmentaire (Antiquité dionysiaque, uniforme militaire, portraits historiés féminin, slip léopard et aniotas, diffusion de l’imprimé tacheté) émanent d’un processus de collecte, de sélection d’images et de leur réinscription dans leur contexte de production et d’usage. Ces différentes parties sont autant de taches — à la fois partielles et situées, informes et précises — prélevées dans la myriade d’ocelles qui composent le motif.